Le catharisme à Montségur - 1 - Le site de Montségur

Chez moi en Ariège, il y a des anciens, le visage rongé par la montagne et le temps, qui un couteau à la main et gromelant disent, avec leur accent du pays "Il y a des montagnes où la pierre, ça ne suffit pas. Regarde là haut au Montségur, la pierre elle en a vu des histoires à raconter". 

C'est tout l'objet de cette mini série sur ce blog, retracer l'histoire de populations qui ont définitivement disparues et qu'on a oublié. Une pensée, des croyances, une religion qui ont disparues et qu'on a oublié. Un pan de l'histoire entier oublié des manuels scolaires, oublié des mémoires, effacé à tout jamais. 

Qu'est ce que Montségur ? Pour le commun des mortels, c'est pas grand chose. Un tas de cailloux, une montagne pas bien haute avec un château pas bien grand dessus. Une montagne où il ne reste que 4 murs en ruines. Une montagne où quand on y monte, il faut payer 6 euros. Le tonton rageur d'avoir fait toute cette route pour ça se met à râler "quelle belle bande d'abrutis a pu vouloir s'installer là haut ?" encore essoufflé de son effort. Et puis quand les voisins touristes parlent la même langue, on entend des histoires de chevaliers, de guerre de siège, de bûcher avec des gens brûlés vifs, une chapelle du diable avec des rayons du soleil qui viennent percuter le château le 21 juin au solstice d'été. Maigre consolation, la vue qui est jolie et le guide qui très gentil. 

Et puis la question existentielle  "mais comment ont ils pu monter les pierres tout là haut ?"

Qu'est ce que Montségur ? D'abord et avant tout, c'est une montagne appartenant au massif ariégeois du Plantaurel dans sa limite sud-Est et sert de transition avec le massif de Tabe (St Barthélémy et Soularac) qui sera exploitée au XIX et XXe siècle pour son talc à Trimouns, dans une zone que l'on appelle le Pays d'Olmes. Nous sommes  à la bordure de la plaque Européenne et de la plaque Ibérique. C'est une petite montagne, un pog de 1208m en forme de L. Les falaises de Montségur surplombent les gorges du Lasset. Les forêts et les torrents apportent tout le nécessaire en nourriture. De même, les pentes déboisées à l'époque de la montagne permettent l'élevage. 

Montségur, c'est une forteresse naturelle imprenable. Une longue crête à fort dénivelé. Le château d'aujourd'hui est situé sur la largeur la plus étroite au Sud Ouest, orienté NO SE. Mais la montagne, elle fait 650m de longueur et la partie qui a été habitée et qui nous concerne, elle se trouve jusqu'à 650m plus bas du château actuel, l'extrémité de l'arrête,  à une altitude de 890m, donnant sur une falaise vertigineuse, le Roc la Tour. L'ensemble du site est protégé par des falaises qu'aucun montagnard se risquerait à gravir encore aujourd'hui. Finalement,la seule accessibilité, c'est celle qui permet aux touristes de monter au château. 

Aujourd'hui, on a une montagne en état d'enfrichement total. Imaginez vous au XIIIe siècle, vous ne reconnaîtrez pas la montagne. Aucun arbre. Une cité médiévale grandiose où jusqu'à 800-900 personnes ont pu vivre. Des murailles d'enceinte le long du castrum et cisaillant la partie la plus accessible. Un donjon ou une petite forteresse qui n'est pas celle que l'on connaît aujourd'hui. Des postes avancés ici et là.

Ce que l'on voit aujourd'hui n'aurait jamais pu tenir tête pendant 1 an aux 2 plus grandes armées du monde, celle de la Papauté de Rome et celle du roi de France. Si le Montségur qu'ont connu les cathares existait toujours aujourd'hui, Tolkien n'aurait jamais eu besoin d'inventer la cité de Minas Tirith. 

Et toujours la question existentielle   "mais comment ont ils pu monter les pierres tout là haut ?". Et bien sache une chose, en montagne on ne monte jamais les pierres. On construit toujours sur une carrière. Par contre, une pierre en montagne ça descend et ça roule vite....Une guerre de siège avec des machines de jets, en montagne, ça fait beaucoup plus de dégâts qu'en plaine car vous avez non seulement le choc, le coup et vous avez aussi le roulement, la chute de la pierre sur les bâtiments construits plus bas. 

Mais alors, le château que l'on voit, le château que l'on visite, le château de la photo de l'article, le château qu'on mitraille avec son appareil, c'est pas un château cathare ? Et bien Non ! L'histoire à une leçon qui se vérifie à chaque fois : malheur aux vaincus ! Le château que l'on visite c'est le château du vainqueur. Là où on pose nos fesses, le sol que l'on foule du pied, ce sont les tombes des vaincus. Vous ne le savez pas, vous ne le voyez pas, vous ne connaissez pas les noms de ceux qui gisent sous vos pieds et sous vos fesses depuis 1244. C'est fait exprès. Malheur aux vaincus ! Comme dans tous les crimes de l'histoire, on efface 2 choses : la pierre et la mémoire. Excepté les fouilles archéologiques qui ont révélé les traces des seules habitations cathares, il n'y a plus rien sur la montagne qui évoque la vie des cathares. Et puis avec la pierre, on a reconstruit un château tout neuf. Et puis le château tout neuf est tombé en ruine et tout cela s'est oublié. La mémoire a été effacée. Le catharisme est mort avec Montségur. Les croyances cathares ont totalement disparu. Il n'y a pas de monument aux morts pour ces gens, pas de tombes, pas de sépultures, pas de cimetière. Il y a eu un bûcher pour tout réduire en cendres. Et pourtant entre 1243 et 1244 il y en a eu des morts à la guerre. Le 16 mars 1244, 250 cathares ont été brûlés vifs. Seuls les historiens de cette époque ont pu retrouver quelques noms, issus de familles nobles de la région mais l'essentiel est perdu à tout jamais. 

Nico.R

Episode prochain - Les croyances cathares.